LE SEXE ILLICITE
A) LA PÉDOPHILIE
1) DÉFINITION DE LA PÉDOPHILIE
a. La définition psychiatrique
La pédophilie, terme générique, qui regroupe toutes les formes d’abus sexuels commis par un adulte sur un enfant, n’est pas incriminée en tant que telle par la loi pénale, bien qu’elle fasse l’objet d’une répression sévère. Le législateur fait donc de la protection du mineur victime d’infraction sexuelle une priorité de sa politique pénale. Le mineur bénéficie d’un statut protecteur spécial en procédure pénale et sa minorité constitue pour l’agresseur une cause d’aggravation des peines.
Dans l’immense majorité des cas, l’agresseur est un membre de l’entourage familial ou éducatif de l’enfant. La pédophilie est également à l’origine d’une sacralisation de la parole de l’enfant responsable du fiasco de l’affaire d’Outreau. Le mythe puissant de la pédophilie constitue, en effet, un terrain propice à l’erreur judiciaire; de fausses allégations peuvent conduire des innocents en prison.
La notion même d’enfant est discutable puisqu’elle comprend tous les mineurs de moins de 18 ans, des nourrissons aux adolescents disposant de la majorité sexuelle. Or, tous ne sont pas dans la même catégorie en droit du sexe.
Aujourd’hui, la pédophilie est classée par l’OMS dans les maladies mentales parmi les troubles de la préférence sexuelle, ce qui est à la base de sa définition psychiatrique. Elle n’a cependant pas de définition juridique. L’OMS la définit comme «une préférence sexuelle pour les enfants généralement d’âge pré-pubère ou au début de la puberté». Elle peut être homosexuelle ou hétérosexuelle, masculine ou féminine bien que le trouble n’ait pas été mis en évidence chez les femmes. Aucune condition d’âge ou de différence d’âge n’est formulée ni du côté de l’enfant, ni du côté de l’adulte.
Selon la définition du DSM IV, la pédophilie a, comme caractéristique essentielle, d’être une relation sexuelle avec un enfant pré-pubère (de 13 ans ou plus jeune). Le pédophile doit être âgé de 16 ans ou plus et avoir au moins cinq ans de plus que l’enfant. L’intérêt de cette définition est triple. Elle fixe tout d’abord à 13 ans l’âge au dessus duquel on ne doit pas parler de pédophilie mais d’éphébéphilie, ce qui précise la différence sexuelle entre enfants et adolescents.
On peut percevoir que cette notion psychiatrique n’a pas de traduction juridique précise en droit pénal où elle est dispersée entre les incriminations et les circonstances aggravantes protectrices des mineurs en général.
b. L’absence de définition juridique
L’absence de définition juridique de la pédophilie, qui n’est pas incriminée en tant que telle, se traduit par une imprécision fondamentale sur la notion d’enfant susceptible d’être abusée sexuellement
- L’imprécision de la notion d’enfant victime d’abus sexuel
Si en psychiatrie, l’enfant victime de pédophilie est, en principe, un enfant n’ayant pas atteint l’âge de la puberté, la notion d’enfant victime d’abus sexuel est juridiquement beaucoup moins claire. Le droit international adopte, en effet, une définition très large de l’enfant assimilé à un mineur de 18 ans, alors que le droit français distingue entre les enfants de moins de 15 ans et les adolescents de 15 à 18 ans.
Le droit français accorde une protection particulière aux mineurs de 15 ans qui n’ont pas atteint l’âge de la majorité sexuelle. Leur jeunesse justifie un traitement spécial. Le législateur prévoit que le fait, par un majeur, d’exercer sur un mineur de moins de 15 ans une atteinte sexuelle, même sans violence ou contrainte, constitue un délit puni d’emprisonnement. Il pose en principe l’absence de consentement valable de l’enfant à toute forme de rapport sexuel avec un adulte. Il confère même à cette présomption un caractère irréfragable en interdisant de faire la preuve du consentement du mineur pour échapper à l’incrimination. L’âge de 15 ans constitue dès lors une super-protection contre toute forme de proposition sexuelle de la part d’un majeur, qu’elle soit directe ou par un moyen de communication électronique.
- La définition de l’inceste en droit pénal
L’inceste se distingue de la pédophilie en ce qu’il se situe dans un contexte familial et se commet, dans certains cas, entre adultes consentants.
Rappelons que l’interdit traditionnel qui le frappe est le fondement des empêchements au mariage entre parents et alliés des articles 161 à 164 du code civil. Dans ce contexte, la prohibition de l’inceste est une règle fondatrice du droit de la famille qui limite la liberté sexuelle des individus majeurs, unis par les liens du sang, malgré leurs rapports amoureux.
En droit pénal, une partie importante des viols et agressions commises contre les enfants sont le fait de leurs parents ou de leur entourage familial. La qualité d’ascendant constitue une circonstance aggravante de l’infraction, particulièrement lorsque l’enfant victime est âgé de moins de 15 ans. Il peut donc y avoir cumul de circonstances aggravantes, sans alourdissement de la répression, entre des agissements pédophiles avec des enfants impubères et des atteintes sexuelles incestueuses au sein de la famille.
Finalement, le législateur a fait son choix en introduisant dans le Code pénal une nouvelle infraction d’inceste sur mineur à partir d’une définition élargie du cercle familial.
La loi du 8 février 2010 prévoit de créer une qualification spéciale d’inceste sur mineur qui se superpose à celle de viol, d’agression et d’atteinte sexuelle, lorsque les faits sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne y compris s’il s’agit du concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Cette incrimination nouvelle est traitée à l’article 222-31-1 CP.
Cette incrimination protège tous les mineurs et non pas seulement les mineurs de moins de 15 ans. Enfants et adolescents sont délibérément placés sur le même plan en raison de leur commune vulnérabilité face à une personne ayant autorité.
La victime de pédophilie incestueuse est donc mieux protégée que la victime de pédophilie ordinaire.
Du côté de l’auteur, la liste des personnes visées à l’article 222-31-1 CP déborde largement le cadre de la famille par le sang et même celui de la famille par alliance. Il est vrai que la JP adopte traditionnellement une interprétation extensive des personnes ayant autorité qui va bien au-delà des seuls ascendants, jusqu’à celles qui ne disposent que d’une autorité de fait. Il est toutefois un domaine où le juge est réticent pour reconnaître un abus d’autorité, celui des relations entre frères et sœurs. Or sur ce point, la loi nouvelle est très claire puisqu’elle ajoute expressément le frère et la sœur parmi les personnes visées. Le texte n’exige même pas de différence d’âge, ni que l’auteur des faits soient majeurs.
2) LA RÉPRESSION DE LA PÉDOPHILIE
En 1996, l’affaire Dutroux, «le monstre de Charleroi», violeur et tueur de jeunes filles comme de fillettes, accusé d’être le pourvoyeur d’un réseau pédophile, sensibilise le monde entier et va faire de la lutte contre la pédophilie une priorité du législateur.On a vu que le mineur bénéficie dans le Code de procédure pénale d’un véritable statut protecteur en tant que victime d’infraction sexuelle, en particulier s’il est âgé de moins de 15 ans et si son agresseur est un ascendant ou une personne ayant autorité.
Parmi les mesures de protection spéciale, rappelons l’enregistrement audiovisuel de son témoignage, l’assistance par les associations de protection de l’enfance, la représentation par un administrateur ad hoc au cours du procès, et surtout la prolongation de la prescription en sa faveur. La parole de l’enfant victime d’agissements pédophiles est ainsi prise en compte et protégée pendant une durée pouvant dépasser 30 ans. D’où une explosion du nombre des affaires de viol et d’agression sexuelle contre les mineurs, multiplié par sept entre 1984 et 2004.
Le problème est qu’à force de sacraliser la parole de l’enfant et de diaboliser l’agresseur pédophile, le système judiciaire court le risque de dérives, comme l’a montré la tragique affaire d’Outreau. Une affaire dans laquelle 13 personnes ont été accusées et certaines détenues pendant plusieurs années sur le fondement de déclarations d’enfants mensongères, pour finalement être acquittées et indemnisées par l’Etat. Un fiasco judiciaire qui a conduit à remettre en question non seulement la crédibilité de la parole de l’enfant et de l’expert, mais la procédure pénale dans son ensemble.
La répression des abus sexuels commis sur les enfants par des adultes n’en demeure pas moins une priorité de la politique pénale qui se traduit dans le code pénal et le code de procédure pénale par une protection spéciale accordée aux mineurs de moins de 15 ans. La minorité sexuelle de l’enfant peut à cet égard constituer, soit une circonstance aggravante d’autres infractions sexuelles, soit un élément constitutif d’une incrimination protégeant le mineur de tout contact sexuel avec un majeur.
En effet, en matière de viol, d’agression sexuelle, de proxénétisme et de recours à la prostitution de mineur, le fait que la victime soit un mineur de moins de 15 ans constitue une circonstance aggravante de l’infraction. Tel est également le cas en matière de corruption de mineurs où l’article 227-22 CP aggrave la peine du corrupteur sexuel si le mineur corrompu est âgé de moins de 15 ans.
On trouve aussi des infractions sexuelles dans lesquelles la jeunesse de la victime, qui doit être âgée de moins de 15 ans, constitue un des éléments indispensables à la constatation de l’infraction.Tel est le cas de l’atteinte sexuelle sur mineur incriminée par l’article 227-25 CP et des propositions sexuelles faites à un mineur par un moyen de communication électronique réprimées par l’article 227-22-1 CP.
a. La répression de l’inceste
- L’inceste, élément constitutif des agressions sexuelles sur mineur.
L’article 222-31-1 CP qualifie d’incestueux les viols et agressions sexuelles «lorsqu’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait». L’article 222-27-2 CP retient la même qualification pour les atteintes sexuelles commises sur un mineur par un membre de la famille.
L’article 222-31-1 CP caractérise l’inceste comme un viol ou une agression sexuelle commise au sein de la famille sur la personne d’un mineur. Il exclut donc les majeurs de son champ d’application au nom de la liberté individuelle entre adultes consentants. Les parents ont donc le droit d’avoir des relations sexuelles avec leurs enfants majeurs. Ils peuvent même vivre en concubinage, avoir des enfants avec eux, sans pour autant avoir le droit de se marier ou de se pacser.
Il faut souligner qu’à la différence des articles 222-24 (viol) et 222-28 (agression sexuelle), l’article 222-31-1 CP protège tous les mineurs et non pas seulement les mineurs de moins de 15 ans. Ce qui compte aux yeux du législateur, ce n’est pas l’âge du mineur, c’est l’autorité dont dispose le membre de la famille sur la victime.
L’abus d’autorité à caractère incestueux doit se manifester au sein de la famille, ce qui le distingue de l’abus d’autorité en général susceptible de s’exercer dans l’entourage de l’enfant (école, église, sport…) Le critère familiale doit s’entendre assez largement puisqu’il englobe non seulement la famille légitime, naturelle ou adoptive mais également la famille constituée de concubins ou de partenaires pacsés et la famille homosexuelle.
La principale nouveauté tient au fait que le texte ajoute aux agressions sexuelles incestueuses, celles des frères et sœurs qui ont des rapports entre eux. Cela contredit, en effet, la JP refusant de reconnaître l’autorité d’un frère sur sa sœur comme une cause d’aggravation de viol ou de l’agression sexuelle. Cela n’empêche pas le législateur d’affirmer que la nouvelle qualification peut s’appliquer à des faits antérieurs à la loi puisque celle-ci ne modifie pas le périmètre de définition de l’inceste.
L’article 222-22-1 CP précise que la contrainte morale exigée pour constater un viol ou une agression sexuelle résulte de la différence d’âge existant entre la victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime notamment en cas d’inceste.
Cette rédaction modifie sensiblement la notion de contrainte en matière d’agression sexuelle au sein de la famille, qui est désormais caractérisée par la réunion de 2 conditions: une différence d’âge et une autorité de l’agresseur sur la victime. L’article ne fixe aucune limite précise à la différence d’âge qui doit exister entre l’auteur et la victime de l’inceste. Si bien que la condition est juridiquement réalisée dès lors qu’elle dépasse un an. De ce fait, un inceste est impossible entre jumeaux quelque soit leur âge, mais celui entre un garçon de 14 ans et sa sœur de 12 ans est possible.
Il faut toutefois que s’y ajoute une autorité de l’auteur des faits incestueux sur la victime. Cette condition n’est pas nouvelle puisque l’autorité de droit ou de fait de l’agresseur sexuel sur le mineur constitue déjà une circonstance aggravante de son infraction. L’objectif du législateur est de poser ,en principe, qu’avec la rédaction proposée, la quasi-totalité des actes incestueux commis sur un mineur sera réputée commis sous l’empire de la contrainte et sera qualifié de viol ou d’agression sexuelle et non d’atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise.
On peut comprendre la volonté de réprimer plus sévèrement l’inceste familial. On comprend moins la prétention d’en faire une disposition interprétative à droit constant immédiatement applicable aux faits commis avant la publication de la loi nouvelle. Il s’agit en réalité d’une loi pénale plus sévère à portée rétroactive qui présume la contrainte dans les rapports sexuels entre parents et enfants mineurs, même en l’absence de réelle contrainte.
- L’inceste, circonstance aggravante des agressions et atteintes sexuelles
La qualification d’inceste a pour conséquence d’aggraver les sanctions encourues par l’auteur des agressions et atteintes sexuelles soumis à la mesure complémentaire de retrait de l’autorité parentale. Elle a également pour conséquence de renforcer la défense de l’enfant par la désignation obligatoire d’un administrateur ad hoc et l’assistance des associations de défense de l’enfance parties civiles.
L’inceste est aussi une circonstance aggravante des agressions et atteintes sexuelles mais cette aggravation est purement nominale. La surqualification d’inceste a un objet statistique sans entraîner d’aggravation des sanctions par rapport au droit antérieur. La loi nouvelle se borne à faire de la qualité d’ascendant ou de personne ayant autorité, une circonstance aggravante du viol, de l’agression sexuelle et de l’atteinte sexuelle sur mineur.
- L’inceste circonstance aggravante du viol sur mineur
L’âge du mineur victime d’un viol incestueux n’est pas une circonstance aggravante, ni même un élément constitutif de l’infraction. Seule la différence d’âge entre l’auteur et la victime est prise en compte pour caractériser l’absence de consentement de l’enfant. Une condition facile à satisfaire dès lors que l’auteur des faits est un ascendant ou une personne de la famille ayant autorité, ce qui implique par nature une différence d’âge.
L’autorité du membre de la famille sur l’enfant constitue pour sa part à la fois un élément constitutif de la contrainte morale dans le viol et une circonstance aggravante du viol aggravé. Un même fait infractionnel, l’abus d’autorité est donc puni deux fois ce qui est contraire au principe d’interdiction du droit pénal général. Le droit pénal spécial du sexe fait donc reculer le principe au nom de la protection de l’enfant contre l’inceste familial.
Cette sévérité est justifiée par la spécificité de l’inceste qui se caractérise par une emprise quasi-totale du parent sur l’enfant. Profitant de sa supériorité juridique, économique et affective, celui-ci peut en effet obtenir facilement des faveurs sexuelles sans autre contrainte que l’obéissance à son autorité.
Le particularisme des viols incestueux, ce qui les rend particulièrement douloureux, est leur répétition à partir du plus jeune âge. La qualification de viol aggravé pour le viol incestueux se justifie pleinement dans le cadre de la lutte contre la pédophilie, car il place l’enfant dans une situation de souffrance intenable: supporter des abus sexuels qui le dégoutent ou envoyer en prison des parents qu’il aime.
Il convient en effet de rappeler que le viol incestueux fait l’objet de sanctions procédurales, pénales et civiles qui s’appliquent au viol simple ou aggravé.
Outre les dispositions protectrices du mineur victime et les contraintes spéciales pesant sur l’auteur présumé comme les inscriptions aux fichiers FNAEG et FIJAIS, le violeur coupable d’inceste encourt une peine de 20 ans de réclusion et des peines complémentaires diverses et variées dont le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins. Il encourt également la peine de rétention de sûreté, après l’exécution de sa peine de réclusion s’il relève d’une dangerosité particulière pour sa famille du fait de sa pédophilie compulsive. Il peut enfin être soumis à des mesures d’éloignement par rapport au mineur victime et, éventuellement, de retrait de son autorité parentale.
- L’inceste, circonstance aggravante de l’agression sexuelle sur mineur
En matière d’inceste, le législateur ne distingue pas entre les enfants privés de discernement et les autres. De même, aucune distinction n’est faite entre les enfants prépubères et les adolescents de plus de 15 ans disposant de la majorité sexuelle. Tous sont considérés par le législateur dans un état de dépendance affective caractérisant la contrainte morale, étant tous soumis à l’autorité des parents au sein de la famille.
La JP condamne de manière générale pour agression sexuelle aggravée les agissements des parents qui cherchent à initier leurs enfants à la sexualité. Les ascendants sont ceux qui commettent les abus sexuels les plus graves, les plus répétés et qui durent le plus longtemps. Les mères incestueuses rejoignent même aujourd’hui les pères, oncles, concubins et grands-pères au tableau des pédophiles familiaux.
L’agression sexuelle qualifiée d’incestueuse est un délit soumis aux mêmes sanctions procédurales, pénales et civiles que l’agression sexuelle aggravée sur mineur.
Les peines principales encourues sont de 7 ans d’emprisonnement et 100000€ d’amende si le mineur est âgé de plus de 15 ans, peines portées à 10 ans d’emprisonnement et 150000€ s’il est âgé de moins de 15 ans.
- L’inceste, circonstance aggravante de l’atteinte sexuelle sur mineur
La qualité d’ascendant ou de personne ayant autorité est une circonstance aggravante du délit d’atteinte sexuelle sur mineur. Cela signifie que l’atteinte sexuelle incestueuse est désormais une variante de l’atteinte sexuelle simple ou aggravée. Or, cette infraction couvre le même domaine que celui des agressions sexuelles, à ceci près que les actes incriminés sont consentis par l’enfant. C’est précisément cette particularité qui fait de l’atteinte sexuelle sur mineur une infraction spécifique en même temps qu’un élément central de la politique de lutte contre la pédophilie.
b. L’atteinte sexuelle sur mineur
L’atteinte sexuelle sur mineur remplace depuis 1994 l’ancien délit d’attentat à la pudeur sans violence.
L’article 227-25 CP incrimine le fait par un majeur d’exercer sans violences, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans. Le texte qui vise à protéger les enfants et les adolescents des entreprises de séduction des adultes comporte donc 3 éléments constitutifs: la majorité de l’auteur, la minorité sexuelle de la victime et un contact sexuel entre les deux.
La condition de majorité de l’auteur a pour conséquence de dépénaliser les rapports sexuels librement consentis entre mineurs de moins de 18 ans. Ainsi un jeune homme de 17 ans peut-il séduire une fille ou un garçon de 13 ans et avoir avec eux toutes les formes de relations hétérosexuelles ou homosexuelles. Il peut également choisir un très jeune enfant, ce qui suscite les critiques de la doctrine qui juge la loi trop permissive. Des critiques partiellement entendues puisqu’entre frères et sœurs l’atteinte sexuelle incestueuse est désormais réprimée quel que soit leur âge.
Quant à la minorité sexuelle de la victime fixée à 15 ans, cet âge limite déborde le cadre de l’enfance pour inclure une partie de l’adolescence. Cela interdit donc à une jeune fille de 14 ans d’avoir des rapports sexuels avec un garçon de 18 ans même si elle est consentante. La seule dérogation admise est en cas de grossesse d’une mineure de moins de 15 ans suivie de mariage, cela permet au mari d’échapper aux poursuites.
D’autre part, la JP affirme traditionnellement que si l’auteur des faits peut se tromper sur l’âge de la victime, cette défense n’est admissible que s’il n’est pas responsable de l’erreur. Le fait qu’elle ait le développement physique d’un adulte n’est pas en lui-même suffisant.
La qualification d’atteinte sexuelle ne fait sur ce point que reprendre sous sa bannière les agissements qualifiés d’agression sexuelle ou de viol à ceci près qu’ils sont commis sans violence, contrainte, menace ou surprise.
Tout contact ayant une connotation sexuelle est visé, mais il faut un contact et non une simple exhibition ou des propos inappropriés.
Pour les mineurs de moins de 15 ans, il y a 5 circonstances aggravantes: la qualité d’ascendant ou de personnes ayant autorité, l’abus de fonctions, la pluralité d’auteurs, l’utilisation d’un réseau de communication électronique et l’état d’ivresse manifeste de l’auteur.
La qualité d’ascendant vise les parents et les grands-parents qui sont depuis toujours au premier rang des auteurs d’attentats à la pudeur sans violence sur leur progéniture. La qualité de personne ayant autorité permet d’y ajouter les proches de l’entourage familial tels que les beaux-pères, les concubins ou les oncles, fréquemment mis en cause. En dehors de la famille, les personnes disposant d’une autorité sont les enseignants, les éducateurs et les autres personnes de l’entourage de l’enfant.
L’article 227-26 CP aggrave la peine de l’atteinte sexuelle lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunication. Cette circonstance aggravante vise clairement le réseau internet victime une nouvelle fois de sa mauvaise réputation auprès du législateur. Il faut toutefois souligner que la diffusion de messages de contact doit prendre la forme d’un service offert au public comme un site de rencontre ou un forum de discussion et non d’une simple conversation entre 2 internautes. La volonté du législateur est en effet de lutter contre le «racolage électronique». Cette volonté est à l’origine de l’incrimination en 2007 des propositions sexuelles faites à un mineur de 15 ans par un moyen de communication électronique, texte parfaitement susceptible de se cumuler avec l’atteinte sexuelle aggravée.
Pour les mineurs de 15 à 18 ans, l’article 227-27 CP incrimine « les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de plus de 15 ans et non émancipé par le mariage lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité de droit ou de fait sur la victime». Il ne s’agit pas d’une circonstance aggravante au sens strict mais d’une infraction qui réprime le titulaire de l’autorité en cas de rapports librement consentis avec un mineur disposant de la majorité sexuelle. En plus d’une atteinte sexuelle qui englobe tous les contacts sexuels, de la caresse à la pénétration, il exige la réunion de 2 éléments constitutifs: la minorité de la victime de 15 à 18 ans et la qualité d’ascendant ou de personne ayant autorité chez l’auteur.
Ce texte s’applique à l’étranger au profit des mineurs victimes du tourisme sexuel. Il est prévu en effet que dans le cas où les infractions aux articles 227-25 à 227-27 sont commises à l’étranger par un français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au 2ème alinéa de l’article 113-6 CP. Cette disposition résultant de la loi du 17 juin 1998 permet de poursuivre, en France, des délits d’atteintes sexuelles sur mineur qui ne sont pas punis dans le pays où ils sont commis et de s’affranchir de la condition d’une dénonciation officielle des autorités ou d’une plainte de la victime. Ces entorses au principe de territorialité de la loi pénale sont justifiées par le désir de lutter contre les touristes pédophiles qui se rendent dans les pays du tiers-monde pour s’offrir des mineurs de moins de 15 ans.
Le texte n’est cependant plus très utile depuis que l’article 225-12-3 réprime, dans les mêmes conditions, le recours à la prostitution des mineurs de moins de 18 ans lorsqu’il a lieu à l’étranger. Il ne peut désormais servir qu’à réprimer les relations sexuelles entre majeurs et mineurs consenties sans rémunération en dehors du territoire français.
Précisons qu’en matière d’atteinte sexuelle sur mineur, il y a une levée du secret professionnel au profit de toute personne qui informe les autorités des atteintes sexuelles dont elle a connaissance et son corollaire, l’incrimination de la non-dénonciation d’atteintes sexuelles sur mineur de moins de 15 ans. L’affaire Pican, dans laquelle un évêque a été condamné pour n’avoir pas dénoncé ce type d’atteintes commises par un prêtre de son diocèse, en est la principale illustration.
La dérogation procédurale la plus favorable au mineur victime d’atteinte sexuelle est la prolongation de la prescription de l’action publique pendant une durée de 10 ans à compter de sa majorité, portée à 20 ans pour les atteintes sexuelles aggravées. La même durée que pour le viol, car le législateur considère que celui qui s’approche d’un mineur de moins de 15 ans, même consentant ou amoureux, est un dangereux délinquant sexuel qu’il convient de traiter avec la plus grande rigueur.
Enfin l’article 775-1 CPP précise que le tribunal qui prononce une condamnation pour atteinte sexuelle ne peut exclure expressément sa mention au bulletin n°2 du casier judiciaire dans le jugement, ni dans un jugement postérieur rendu à la requête du condamné.
Les peines principales de l’atteinte sexuelle simple sont un emprisonnement de 5 ans et une amende de 75000€ d’amende.
Il faut souligner que la peine de 10 ans d’emprisonnement pour atteinte sexuelle aggravée est la même que celle prévue pour l’agression sexuelle aggravée, alors que la seconde exige la preuve d’une violence, menace, surprise ou contrainte sur la victime, ce qui n’est pas le cas de la première. En clair, le comportement de l’ascendant ou de la personne ayant autorité est puni de la même manière qu’il soit commis avec ou sans contrainte, même sur un mineur de plus de 15 ans, ce qui n’est pas très cohérent.
Autre incohérence: aucune distinction n’est faite en fonction des catégories d’atteintes sexuelles selon qu’il s’agit d’actes commis avec ou sans pénétration. Un baiser sur la bouche et un rapport sexuel sont ainsi traités de la même manière, punis des mêmes peines et soumis aux mêmes prescriptions. La seule cohérence est la volonté de protéger le mineur de moins de 15 ans de toute forme de contact sexuel en punissant sévèrement le majeur qui parvient à le séduire.
c. La corruption de mineur
L’article 227-22 CP incrimine «le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur» et «le fait, par un majeur, d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou relations sexuelle auxquelles un mineur assiste ou participe».
Le seul élément certain est la minorité de la victime qui doit avoir moins de 18 ans. Il faut souligner que ce texte s’applique à tous les mineurs y compris ceux de la tranche de 15 à 18 ans. Or ceux-ci, qui disposent de la majorité sexuelle ont le droit d’avoir des relations sexuelles avec toute personne de leur choix sauf avec celles qui ont autorité sur elles. Il faut donc pour que le délit soit constitué que s’y ajoute la «corruption» du mineur en cause, ce qui dépasse le cadre des simples rapports sexuels librement consentis.
Le fait de favoriser la corruption du mineur est l’élément central de l’incrimination. L’acte incriminé est défini seulement par son but sans autre précision. Ce but est la corruption, terme vague qui relève plutôt du langage des affaires. A la différence de la débauche, il n’a aucune connotation sexuelle particulière. Il faut donc admettre que la corruption concerne les mœurs et doit être entendue comme synonyme de dépravation. La seule certitude est qu’elle doit avoir pour objet la perversion de la jeunesse et non la satisfaction de ses propres pulsions. Ainsi, celui qui initie un mineur au sexe dans le seul but de le séduire ne commet pas l’infraction. Il reste punissable pour atteinte sexuelle sur mineur.
L’initiation au sexe libertin, car c’est de cela qu’il s’agit, ne doit toutefois pas se limiter à de mauvais conseils ou à des propos obscènes. Il faut en principe des actes de lubricité ou d’assistance à la lubricité d’autrui.
La simple invitation adressée à des mineures de poser nue chez un photographe n’est pas punissable sauf si elle s’accompagne de demandes particulières à caractère pornographique. La diffusion de films pornographiques devant des mineurs constitue d’ailleurs le moyen de corruption le plus fréquemment sanctionné par la JP, qui souligne qu’elle vise à rendre banal de tels spectacles.
La corruption de mineur est une incrimination qui recoupe de nombreuses autres infractions (exhibitionnisme, etc.) On parle d’incrimination attrape-tout d’autant plus que le résultat de l’action importe peu pour que le délit soit constitué. Ainsi, le fait que le mineur n’ait pas été corrompu ne change rien puisque le législateur incrimine directement le fait de tenter de le corrompre. Il en va de même si le mineur est déjà perverti car on peut toujours le corrompre encore plus en lui proposant de nouvelles perversions.
Il faut noter que la loi met sur le même plan le mineur spectateur qui a un rôle passif et le mineur acteur qui a un rôle actif, alors que les deux types de comportements impliquent un degré de participation très différent à la lubricité des adultes. Pour le législateur cette différence entre exhibition et action ne constitue pas une cause d’aggravation de la peine à la différence d’autres facteurs comme l’âge de la victime.
L’article 227-22 prévoit 2 catégories de circonstances aggravantes du délit de corruption de mineur: l’une lorsque le mineur est âgé de moins de 15 ans et l’autre lorsque le mineur a été contacté grâce à un réseau de communication électronique ou aux abords d’un établissement scolaire.
L’âge de la victime de moins de 15 ans est une cause d’aggravation car le texte considère qu’il est plus grave de corrompre un mineur qui n’a pas atteint la majorité sexuelle, ce qui témoigne d’une volonté affirmée d’assurer la protection des enfants. Cette cause d’aggravation est très fréquente tant il est vrai que les victimes plus jeunes sont plus faciles à pervertir. L’un des moyens les plus fréquemment utilisés par les adultes est la remise de cadeaux ou de sommes d’argent à des enfants contre des faveurs sexuelles. Ainsi, le fait de proposer à une mineure de moins de 15 ans 300€ contre un cunnilingus et d’obtenir son consentement constitue à la fois une corruption de mineurs et une atteinte sexuelle.
L’utilisation d’un réseau de communications électroniques par la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé vise la corruption du mineur obtenue grâce à un contact sur le minitel ou sur l’internet. La JP l’applique au cas où un adulte incite des mineurs à se masturber ou à montrer leur sexe devant une webcam. Le fait qu’il s’agisse de mineurs de plus de 15 ans, pleinement conscient et se livrant à des recherches de caractères sexuel sur internet, est indifférent. Il n’est pas non plus exigé qu’un contact sexuel quelconque suive le contact sur le réseau. O peut également imaginer d’autres applications possibles comme la transmission de fichiers peer to peer ou d’images pornographiques sur le web à un mineur.
La peine est également aggravée en cas de contact avec le mineur aux abords d’un établissement scolaire. Cette circonstance aggravante vise d’abord les enseignants qui corrompent leurs élèves mineurs dans les établissements à vocation éducative recevant des jeunes de moins de 18 ans. Elle vise ensuite les prédateurs qui les abordent à l’entrée ou à la sortie des cours pour leur faire des propositions, que les pédophiles considèrent comme des pédophiles particulièrement dangereux.
Enfin, en théorie, la peine est également aggravée lorsque les faits sont commis en bande organisée. Toutefois, cette disposition semble relativement inadapté au délit de corruption de mineur., si ce n’est en cas d’organisation d’un réseau pédophile recrutant des enfants. Un tel réseau suppose en effet une absence de contrainte sur les mineurs en cause alors que ses participants sont censés les corrompre pour les offrir à autrui.
La corruption de mineur est soumise aux dispositions du CPP relative aux infractions de nature sexuelle contre les mineurs en tant qu’atteinte sexuelle. A ce titre, elle fait l’objet d’un régime procédural particulier. Elle est aussi soumise à la prolongation de la prescription de l’infraction commise contre le mineur pour une durée de dix ans à compter de la majorité de la victime. De la même manière, elle profite de la dérogation aux règles de compétence territoriale au profit d’une victime mineur corrompue à l’étranger par un français ou un résident sur le territoire français.
Enfin, l’article 706-47-3 CPP donne aux officiers de police judiciaire spécialement habilités le droit de participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques et d’entrer en contact avec les corrupteurs présumés. Ils peuvent aussi dans certaines conditions conserver et acquérir des contenus illicites. Ils ne doivent cependant pas inciter à la commission de l’infraction sous peine de nullité de la procédure.
Les peines principales sont fixées par l’article 227-22 qui prévoit pour l’infraction simple un emprisonnement de 5 ans et une amende de 75000€. Ces peines peuvent être portées à 7 ans d’emprisonnement et 100000€ d’amende en cas de circonstance aggravante. Enfin, si les faits sont commis en bande organisée, les auteurs encourent une peine de 10 ans d’emprisonnement et de 1000000€ d’amende.
d. Les propositions sexuelles à un mineur de moins de 15 ans par un moyen de communication électronique
L’article 227-22-1 CP introduit par la loi du 5 mars 2007 incrimine les propositions faites à un mineur de moins de 15 ans par un moyen de communication électronique dont les sanctions sont alignées sur celles de la corruption de mineur.
Est incriminé le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique. L’objet du texte est de confondre les prédateurs pédophiles qui naviguent sur le net à la recherche d’enfants ou d’adolescents pour satisfaire leurs vices. Il ne vise donc que les majeurs et n’interdit pas les propositions sexuelles faites aux mineurs de 15 ans par ceux de 15 à 18 ans. Il n’interdit pas non plus les conversations à objet sexuel, sans proposition de participation à une activité sexuelle, individuelle ou collective. Il faut donc que le majeur suggère un rendez-vous à cette fin au mineur pour que le délit soit constitué. L’incrimination vise les échanges et conversations privées par un moyen de communication électronique et non la diffusion de message à destination d’un public indéterminé. Cela comprend non seulement internet mais aussi le minitel, le fax, le téléphone fixe et mobile. Sur le net, il suffit d’un mail proposant une rencontre à un mineur de moins de 15 ans dont on connait la minorité pour encourir les foudres de la loi. Le texte s’applique donc à un jeune homme de 18 ans qui demande à une jeune fille de 14 ans si elle veut sortir avec lui.
Dans le cas où le mineur accepte, et que la proposition est suivie d’une rencontre, le texte aggrave lourdement les peines applicables à l’internaute.
Quant à la procédure, la prescription est également prolongée pour une durée de 10 ans à compter de la majorité de la victime. A noter tout de même que les propositions sexuelles faites à l’étranger par un internaute français ne sont pas toucher par la dérogation de compétence territoriale qui permet de les poursuivre en France.
La preuve de ce délit est par ailleurs facilitée par la disposition qui permet aux officiers de police judiciaire de participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques en se faisant passer pour un mineur, de rentrer en contact avec le chateur et d’en conserver la trace. Ils peuvent également se rendre au rendez-vous que celui-ci leur propose et procéder en flagrant délit à son arrestation.
Sur le plan des peines, l’article 227-2-1 prévoit un emprisonnement de deux ans et une amende de 30000€, peines portées à 5 ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende lorsque les propositions sexuelles sont suivies d’une rencontre avec le mineur.
NB/ Les mirodromes qui offrent aux majeurs des spectacles érotiques ou pornographiques sont soumis à l’ordonnance du 13 octobre 1945. Ce texte subordonne l’ouverture à l’octroi d’une licence d’entrepreneur de spectacles par le préfet du département qui peut la refuser ou la retirer. Il s’applique aux spectacles vivant utilisant des acteurs ou actrices simulant ou pratiquant des actes sexuels devant des spectateurs.