L’injure et la diffamation publique, qu’elles soient effectuées en ligne ou par voie de presse traditionnelle, se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Ces deux délits sont respectivement prévus par les premier et second alinéas de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. La diffamation y est définie comme «toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé», alors que l’injure s’entend de «toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait».
Ainsi, dans un arrêt du 7 décembre 2010, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé une jurisprudence constante en la matière selon laquelle «pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime, doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire».
L’auteur du délit de diffamation encourt une peine maximum d’un an d’emprisonnement et/ou 45000 euros d’amende.
LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA DIFFAMATION :
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Pour que la diffamation publique soit constituée, il est nécessaire de constater l’allégation ou l’imputation d’un fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou la considération d’une personne déterminée ou au moins identifiable. Même dénommée par un pseudonyme, une personne peut faire l’objet de propos diffamatoires, dès lors qu’elle est identifiable. Ainsi, trois éléments doivent être réunis :
- Une allégation ou imputation d’un fait précis.
- Une atteinte à l’honneur ou à la considération.
- La mise en cause d’une personne déterminée ou tout au moins, déterminable.
La particularité du délit de diffamation publique est que l’intention coupable est présumée. Dès lors que la matérialité du fait diffamatoire est relevée, la mauvaise foi de l’auteur sera présumée. Cette présomption n’est pas irréfragable et il appartient alors à l’auteur des propos d’apporter la preuve de sa bonne foi.
LA VOIE PÉNALE EN MATIÈRE DE DIFFAMATION:
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La juridiction compétente pour juger les faits de diffamation et/ou d’injure publique est le Tribunal de Grande Instance.
En matière de presse, la victime peut directement déposer plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction, ou faire citer l’auteur des faits devant le Tribunal correctionnel. En effet, pour les délits de presse, la victime n’est pas tenue de déposer d’abord une plainte simple devant le Procureur.
Les poursuites peuvent être exercées d’office par le ministère public lorsque la diffamation publique revêt un caractère discriminatoire.
Le délai de prescription du délit de diffamation est de 3 mois à compter de la première publication des propos diffamatoires.
Concernant la procédure de l’action en diffamation, un certain formalisme doit être respecté. La plainte avec constitution de partie civile doit préciser et qualifier juridiquement les faits poursuivis en fournissant toutes les précisions nécessaires sur la nature des passages ou propos incriminés et sur leur définition pénale.
Concernant la citation directe, elle doit être faite dans les 20 jours et préciser le fait incriminé ainsi que sa qualification juridique.Une copie de la citation doit nécessairement être signifiée au ministère public.
L’action doit être dirigée contre le directeur ou le codirecteur de la publication. En effet, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a posé une présomption de responsabilité pénale du directeur de la publication, liée à l’exercice de la responsabilité éditoriale: le directeur de la publication est censé avoir eu connaissance des écrits et en avoir approuvé la publication. La poursuite des autres participants à l’infraction de presse est fondée sur la complicité.
La loi du 29 juillet 1881, a instauré une responsabilité en cascade, concernant les délits de presse. Cette règle permet de désigner des auteurs et complices d’une infraction, seulement au regard de leurs fonctions. Cette détermination repose sur un ordre de priorité et si une personne est défaillante, on passe au degré suivant.
L’article 42 de la loi de 1881 désigne comme responsable à titre principal, le directeur de publication. Dans les cas où cette personne serait impossible à identifier, ou résiderait à l’étranger, la loi désigne des responsables subsidiaires. Si on ne peut poursuivre l’éditeur ou le directeur de publication, c’est l’auteur des propos qui sera alors poursuivi. A défaut, ce sera l’imprimeur. Si aucune de ces personnes ne peut être poursuivie, les personnes désignées comme responsables seront les vendeurs, distributeurs et afficheurs. Si l’éditeur ou le directeur de publication peut être poursuivi, il sera le seul à pouvoir être reconnu responsable en tant qu’auteur de l’infraction.
LES MOYENS DE DÉFENSE DE L’AUTEUR DE LA DIFFAMATION:
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- les faits dont il souhaite démontrer la véracité
- la copie des pièces
- les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve.
L’auteur de propos diffamatoires peut invoquer deux moyens de défense :
L’exception de vérité
L’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit pour l’auteur des faits la possibilité de prouver la véracité de ses propos.
Dans ce cas, l’intéressé doit, dans un délai de dix jours après la signification de la citation, faire signifier au Ministère public ou au plaignant :
L’auteur doit apporter une preuve totale et absolue de la vérité des faits dits diffamatoires pour que l’exception de vérité puisse jouer.
Toutefois, il convient de préciser que ce fait justificatif ne pourra pas être invoqué dans certaines hypothèses :
- lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne
- lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années
- lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.
La bonne foi de l’auteur
Pour que ce fait justificatif, de nature jurisprudentielle, soit admis, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :
- l’auteur doit avoir poursuivi un but légitime: l’information diffamatoire doit être objectivement utile à l’information du public.
- l’auteur doit avoir été sincère: c’est-à-dire qu’il ait légitimement pu croire que l’information publiée était exacte.
- l’auteur doit avoir fait preuve de prudence et de mesure
LE DÉLIT DE DIFFAMATION PUBLIQUE COMMIS PAR VOIE D’INTERNET
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En matière de diffamation et d’injures, les délits diffèrent selon que les propos sont tenus de façon publique ou privée. En substance, en droit de la presse, la jurisprudence estime que les propos sont publics lorsqu’ils sont adressés à diverses personnes qui ne sont pas liées entre elles par une communauté d’intérêts.
Depuis la loi sur la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, les publications sur internet sont soumises à la loi sur la presse du 29 juillet 1881.
En matière de diffamation publique commise par voie d’internet, la jurisprudence estime généralement que la diffusion litigieuse sur le réseau internet, à destination d’un nombre illimité de personnes nullement liées par une communauté d’intérêts, constitue un acte de publicité commis dès que l’information a été mise à la disposition des utilisateurs éventuels du site.
La commission du délit de diffamation publique sur Internet résulte de la seule mise à disposition du public des imputations litigieuses à partir d’un serveur informatique.
Dès lors, concernant les réseaux sociaux comme facebook, si l’on considère que les «amis facebook» ne sont pas liés par une communauté d’intérêts, cela signifie que tous les propos publiés sur un «mur facebook» présentent un caractère public. A l’inverse, dans l’hypothèse où un espace facebook serait crée spécifiquement pour débattre d’un sujet et que seuls les membres du groupe peuvent avoir accès aux propos échangés, on peut considérer que les membres de ce groupe sont liés par une communauté d’intérêts et que leurs échanges sont donc d’ordre privé.
Dans une décision du 19 novembre 2010, le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt a confirmé que facebook n’appartient pas à la sphère privée en estimant que les propos publiés sur un «mur facebook» constituaient bien une preuve licite de faute grave de la part de salariés et justifiaient ainsi leur licenciement. Le conseil de prud’hommes relève dans sa décision que les paramètres choisis du compte facebook permettaient un accès ouvert à la page en cause, notamment par les salariés et anciens salariés de l’entreprise.
De même concernant les forums de discussion, selon qu’il s’agisse d’un forum ouvert ou fermé, la loi du 29 juillet 1881 sera applicable ou non. Seuls les propos tenus sur un forum public sont susceptibles de constituer des infractions de presse. Sur un forum fermé, c’est-à-dire pour lequel l’accès suppose une sélection des internautes, les messages échangés sont assimilés à une correspondance privée. En effet, le nombre de membres est restreint et il existe une communauté d’intérêts entre eux.
Lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées en raison de la diffusion sur le réseau internet, le point de départ du délai de prescription de l’action publique prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 (3 mois) doit être fixé à la date du premier acte de publication, c’est-à-dire celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau.
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LE DROIT DE RÉPONSE:
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En vertu des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique, toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique quotidien ou dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse.
La personne désirant exercer ce droit de réponse ne doit justifier de rien, pas même qu’elle a subi un quelconque préjudice.
La demande d’exercice de ce droit doit être adressée au directeur de la publication, dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande. Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception la réponse de toute personne qui en fait la demande, sous peine d’une amende de 3750 euros.
Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères, que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation.
De plus, la réponse sera toujours gratuite. Un décret d’application du 24 octobre 2007 est venu préciser la procédure à suivre pour exercer ce droit de réponse. Il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, dans laquelle doivent être indiquées les références du contenu contesté, comment y accéder sur le site ainsi que le nom de l’auteur.
L’ASSIGNATION EN RÉFÉRÉ:
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- la juridiction du lieu où demeure le défendeur
- la juridiction du lieu du fait dommageable
- la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
En matière de diffamation, il est possible pour les victimes de saisir le juge des référés qui est un juge agissant dans l’urgence, ce qui présente l’avantage de faire retirer les propos litigieux du site internet rapidement et ainsi de minimiser le préjudice subi.
Cette action sera fondée sur l’article 809 du Code de procédure civile, qui permet au juge des référés de prescrire toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’assignation en référé doit être faite dans un délai de trois mois, suivant la mise à disposition du public du message diffamatoire.
Le propos diffamatoire doit clairement être identifié dans l’acte introductif d’instance, qui doit également contenir la qualification juridique des propos, ainsi que le texte légal sur lequel repose cette qualification.
Même si elle s’effectue par tous moyens, il peut être difficile d’établir la preuve d’une diffamation ou injure dans un forum de discussion ou sur un réseau social.
Ainsi, toute victime de diffamation par voie d’internet peut tout d’abord enregistrer ou imprimer la page Web incriminée. Il s’agit de la preuve la plus facile à effectuer par la victime, et cela permet de garder une trace électronique de l’infraction. Même si cet enregistrement constitue un commencement de preuve, il n’aura pas une force probante indiscutable. Il est donc possible pour la victime de faire établir un constat, par un huissier ou, par un agent assermenté de l’Agence de la Protection des Programmes. Pour être reconnu comme preuve probante par le juge, le constat d’huissier doit respecter les règles de validité. L’Agence de la Protection des Programmes est habilitée à constater les infractions sur internet, et peut ainsi établir la preuve des propos diffamatoires et la conserver.
La victime de diffamation peut saisir le Tribunal de Grande Instance de son choix entre :
S’il constate l’existence d’une diffamation, le Tribunal a la possibilité d’ordonner la publication de la décision de justice sur la page d’accueil du site de la partie condamnée, selon une durée et des modalités déterminées par le juge. Le Tribunal peut également ordonner la publication de la décision dans un ou plusieurs quotidiens régionaux ou nationaux.